Notre-Dame-des-Landes: des barricades de papier pour les cabanes de la ZAD

Lors de l’opération César en 2012, le bras armé de l’Etat a détruit la majorité des maisons. La réponse à cette razzia a été la construction tout azimut d’une multitude de cabanes. Na ! On a ressenti un nouveau départ : tout le monde peut se construire une cabane. Celles qui ont voulu rester se sont mobilisées pour se loger de façon autonome. Cette réponse positive nous a fait découvrir une dimension de notre liberté.

Depuis cette époque, la construction ou la réparation de cabanes n’a jamais cessé.

Une cabane est en priorité un abri, parfois très sommaire, qui nous protège de la pluie.

Il y a les cabanes-barricades qui ont été édifiées à l’origine dans l’urgence.

Un feu nous réchauffe. Le bric et le broc s’installent autour de lui. Les murs qui succèdent aux bâches, nous isolent un peu mieux. Une porte qui s’ouvre et qui se ferme est un luxe. La forêt nous donne du bois mort pour nous chauffer et cuisiner; le sol, de la terre qui remplit des palettes, se mêle au foin ou à la paille. Tout cela s’assemble, c’est le début du bonheur. De la fierté. On savoure le petit confort et on apprend à se débrouiller. Pas de plan, pas de mesure. Un trou qu’il faut boucher nous fait trouver ce qu’il nous faut pour avoir plus chaud. La matière se présente.

On n’en revient pas de monter des tours.

La permanence s’installe lorsque que le va-et-vient des gens transforme, améliore l’habitat qui se laisse réapproprier. Un mur tombe, un toit fuit, arrivent d’autres habitants qui s’y mettent dans la joie de trouver un refuge, qui nettoient et découvrent des trésors qui leur seront utiles.

Elles sont nombreuses celles qui ont souffert dans leur chair, et ont du faire leur deuil de la défense barricadière de la ZAD. Toutes les cabanes bordant cette sacrée route des chicanes ont été détruites. La Mafachée était un symbole de ces cabanes-chicanes. Et oui, les cabanes ça vous chicane.

A la Mafaché la vie était turbulente, sorte d’octroi de la route, où on vous proposait une pizza faite avec les moyens du bord, cuite dans un des fours fabriqués sur place. Sur la route on y buvait des coups, ceux des arrivants qui se laissaient agréablement surprendre, stationnaient le temps de dire bonjour. A vingt à l’heure on a le temps de faire connaissance. C’était comme un tapis rouge, cette route. Une entrée en matière. Un choc de mixité sociale comme vous n’en avez jamais vu.

Le peuple de la route vivant sommairement dans des cabanes et/ou des chicanes faisait accueil à sa manière. Celle de l’espace public complètement public.

Aujourd’hui, après la destruction sans nom, nous fouillons dans les décombres et nous y trouvons toujours quelque chose. Ça renaît. La Nature, on le sait, reprend ses droits et les reprendra toujours. Malgré la bétonisation, les herbes si folles s’immiscent et finissent par fissurer l’immonde croûte. De même, de la dévastation nous reconstruisons. Ça repousse. Enfouis dans la terre, des éléments épars vont se refaire une nouvelle vie.

Ils s’assemblent différemment, à nouveau, en chicanes ou en cabanes.

La capacité à renaître est propre aux cabanes.

Lorsqu’on n’est pas trop exigeant sur le confort moderne, la cabane est un résumé du minimum de ce qu’il nous faut. Une habitat minimaliste qui parfois ne tient qu’à un fil. Et pour cause, le matériel et les constructrices ne sont pas conformes. Le guingois est à l’honneur, le branlant nous extasie. Ça tient. Ça tient très bien. Les bouts de ficelles, nouées savamment, assemblent solidement les bois des plus magnifiques constructions. Un élan collectif, une arrivée de curieux se matérialise bientôt en un bâtiment.

Euphorie, dont l’origine est un grand sentiment de liberté. Celles qui n’avaient jamais touché à un clou ou une planche se mettent au travail sans complexe. On plonge les mains dans la terre, on malaxe, on piétine. L’œuvre s’édifie dans un si grand mineur.

La cabane appartient au domaine de la création.

Il ne s’agit pas ici de cabanes préfabriquées ou conçues sur plan, hors-sol.

L’invention qui prévaut donne aux créatrices la liberté de l’art. Aucune cabane n’est identique.

Les cabanes dont il est question ici prennent corps au gré des énergies et des nécessités. Elles ne sont pas construites d’un seul coup et de façon définitive. C’est un autre rapport au temps.

Quand la vie s’installe, elle est en liaison avec le temps qu’il fait.

La vie en cabane ne fait pas de mal. Son impact est minimal.

On ramasse du bois mort, on récupère l’eau de pluie.

On plante ce que l’on peut pour se nourrir, on mange ce qu’on trouve. De nos excréments et de nos déchets naît de la nourriture. Nous apprenons à reconnaître ce qui pousse autour de nous. N’est-ce pas là la dignité de l’être humain retrouvée ? Se loger et se nourrir ?

Cette vie simple et rustique qui ressemble fort à celle des paysans d’autrefois, n’est pas qu’idyllique, c’est un choix politique. Cette vie est rude mais elle présente l’avantage inestimable de ne poser que de vrais problèmes sur lesquels nous avons prise. Tout un tas de questions se posent à nous qui nous font déconstruire les réponses toutes faites. Nous sommes en situation de revisiter nos habitudes. Quand on n’appuie plus sur des boutons, on commence à réfléchir.

Et la phrase si souvent entendue : « je n’ai pas le choix », nous quitte.

Les gens ne veulent pas le croire quand on leur raconte que l’on vit comme ça.

Et l’électricité, et les réseaux ? Et Facedebouc ? Alors on leur dit que l’on s’en passe et que cela fait des années. Qu’on va dans les lieux connectés de temps en temps. Ils se mettent souvent en colère, ils ne l’ont pas vu à la télé. Ils pensent que c’est une provocation.

Pourtant c’est la belle vie. Nous goûtons bien d’autres plaisirs et partageons bien d’autres connexions. La cabane est ouverte sur la Nature, nous en profitons à souhait.

Ils sont jaloux.

Voilà qui explique tant de haine. Nous ne payons pas notre dû à la société dont nous ne voulons pas.

Nous préférerions qu’elle s’écroule. Nous sommes des parasites, des précaires, des cabaniers.

Les cabaniers sont des barricadiers sédentaires.

La résistance s’installe dans la permanence.

A l’heure ou la Nature prend sa revanche, se déchaîne. Nous avons déjà pris position. Et même s’il est déjà trop tard, nous nous retirons. Nous préférons vivre en harmonie avec la Nature sans attendre une politique globale se disant « respectueuse de l’environnement » qui ne peut être qu’un capitalisme vert qui redore le blason de l’économie mondialisée.

La cabanisation est une réponse à la mondialisation.

La vie de cabanier est belle parce qu’elle est en accord avec nos valeurs de respect du vivant.

« Les barricades de papier » est une proposition de défense. Ce n’est pas la seule.

L’objectif est de retarder la processus de destruction et de faire entendre une voix.

Celles de cabaniers.

Nous proposons une sorte de Tuto* pour entrer dans la démarche de reconnaissance de domicile. Une pratique qui s’apparente à celle suivie par les squats. La différence réside dans le fait que les cabanes ne sont pas des squats d’habitation, mais de terrain. La suite de la procédure conduit au tribunal administratif.

C’est dans ce cadre que l’association Halem se propose de nous soutenir afin d’obtenir jurisprudence comme l’ont fait les objecteurs de conscience ou les faucheurs d’OGM. Faire reconnaître la Cabane comme habitat atypique.

Cette proposition promet de nous apporter surtout et avant tout une tribune.

Ce texte n’est qu’un début, il sera enrichi de tous les témoignages** de vie en cabane collectés sur la ZAD et ailleurs afin de faire connaître et de défendre notre choix de vie.

La ZAD, à bien des égards, a montré le chemin. Nous espérons que les cabaniers d’ici et d’ailleurs nous suivront.

Notes:
* Ce Tuto sera publié sur le site ZAD ICI AUSSI. À distribuer ainsi que ce texte partout où des cabanes fleurissent.
** Apportez votre contribution (anecdotes de cabane, pourquoi vous aimez vivre en cabane, dessins, et textes sont les bienvenus, à envoyer à cabane@@@laterre.org).
Les textes seront publiés sur le site internet ZAD ICI AUSSI.

[Publié en août 2018 sur ZAD ici aussi.]