Brésil: Contre la FIFA et son monde, les manifs et actions continuent

Les dernières nouvelles qu’on avait données sur les luttes au Brésil datent des 19 et 20 juin (à lire ici et pour São Paulo, et ici pour les autres villes brésiliennes). Depuis, la mobilisation n’a pas cessé, et continue de prendre plusieurs formes. Voici à nouveau plusieurs exemples de ce qui se passe là-bas, compte-rendu chronologique du 20 au 25 juin:

 
Vendredi 20 juin 2014 – Rio de Janeiro

Extrait à peine retouché d’un article paru sur Le Chat Noir Émeutier:

Quatre rassemblements de résistance se sont tenus dans le centre-ville: le premier, le festival de juin « Fifa go home » organisé par le FIP (Front Populaire Indépendant). Le deuxième, une manif des enseignants en grève à Lapa, et le troisème sous le slogan « Dictature Carioca« , pour se rappeler du soulèvement du 20 juin 2013, date à laquelle plus d’un million de personnes avaient pris les rues et avaient fait face à une féroce répression policière. Enfin, un autre rassemblement s’est tenu dans le quartier de Candelaria, en face de la municipalité, sous le slogan « 20 juin: le retour du géant » pour demander une amélioration des transports, de l’éducation et de la santé. Les trois premières manifs se sont rejointes à proximité des Arches de Lapa autour de 19h, secteur du quartier Lapa qui est aujourd’hui un bastion des bobos et des touristes. Les flics étaient de sortie avec camions à eau, des centaines de keufs des bataillons de choc et hélico (à ce sujet, l’Etat brésilien a créé durant l’année une brigade de keufs – appelée « Lapa presente » – spécialement pour protéger la population aisée de Lapa).

Immédiatement, les flics ont tenté d’arrêter des manifestant-e-s, en bloquant une des rues du secteur (la rue Mem de Sá). Les gaz balancés ont pu encrasser les poumons des touristes qui buvaient en terrasse. Ces derniers ont crié sur les manifestant-e-s en anglais, ne comprenant rien à la situation, en attestent les mots qu’ils ont pu dire: « Quel est le problème?« . Un-e manifestant-e lui a répondu que le problème, c’était la Coupe du Monde. Le touriste a réagi par la peur: « Alors le problème, c’est moi ? » puis le manifestant-e a répondu: « Le problème ce n’est pas seulement vous, ce sont tous les gens qui collaborent avec la Coupe du Monde de la pauvreté, de la violence et de l’exploitation« . Bien que sept personnes ont été arrêtées (selon les médias bourgeois) pour port de cagoule, la manif a continué sous escorte policière pendant quelques heures. Au festival du FIP, le slogan « FIFA go home » était visible depuis les murs blancs et tous propres du secteur (les services municipaux se sont activés pour rendre le quartier agréable pour les riches avant le début de cette Coupe… tout ça faisait partie des règles fixées par la FIFA quant à l’organisation de cette fête de la domination). Ce festival a pu se tenir une bonne partie de la soirée avec le vol incessant des hélicos au-dessus de leurs têtes… (à noter que plusieurs festivals populaires contre la Coupe du monde ont été interdits dans plusieurs villes, notamment à Salvador).

Vendredi 20 juin – Curitiba

Un rassemblement était appelé via Facebook en fin d’après-midi sur la Praça Carlos Gomes, mais la présence massive de la Polícia Militar (PM) a empêché toute possibilité de manifestation. L’idée était au départ de manifester depuis la place Carlos Gomes jusqu’au stade de l’Arena da Baixada, où se jouait le match Honduras-Equateur. Mais sur la place, les flics contrôlaient et fouillaient toutes les personnes qui tentaient de former ce rassemblement.

L’appel Facebook était intitulé « 1º Ato Contra a Copa« , soit « première manif contre la Coupe« , mais en réalité une manif contre la Coupe du monde, de plus de 300 personnes, avait déjà eu lieu à Curitiba, le 16 juin dernier (sans même parler de celles qui ont eu lieu en janvier et février derniers…). Des banques et des commerces y avaient eu leurs vitrines brisées, ce qui explique d’ailleurs sûrement la présence policière massive quatre jours plus tard…

Dimanche 22 juin – Rio de Janeiro

Pendant le match Belgique-Russie, plusieurs petites manifestations anti-FIFA ont eu lieu à l’intérieur et à l’extérieur du stade Maracanã. Par exemple, la photo de cette banderole du « Rede de movimentos contra a violência » (le « Réseau de mouvements contre la violence », qui lutte contre la violence policière dans les favelas depuis plusieurs années) a été prise dans le stade avant le coup d’envoi du match. On peut y lire « La fête dans les stades ne vaut pas les pleurs dans les favelas« .

Dimanche 22 juin – Recife

Le mouvement Occupy Estelita de Recife a organisé un concert en plein air. Le 17 juin, ce collectif avait été expulsé d’un terrain qu’il occupait sur les quais José Estelita pour protester contre la restructuration urbaine de ce quartier. Depuis, Occupy Estelita continue de s’organiser et d’organiser diverses actions. Plus d’infos ici en portugais.

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Lundi 23 juin – Rio de Janeiro

Une manif est partie des favelas de Chapéu Mangueira et Babilônia pour dénoncer les conditions de vie de plus en plus difficiles dans les parties les plus pauvres de la ville. La banderole « La fête dans les stades ne vaut pas les pleurs dans les favelas » était encore là, et les manifestant-e-s mettaient en avant la brutalité policière et le redoublement de celle-ci lors de grands événements comme la Coupe du monde 2014 et les futurs Jeux Olympiques de 2016, qui auront lieu à Rio. La manif a continué jusque dans les rues de Copacabana sous haute surveillance policière.

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Vers 15h, une autre manif qui était sortie de la station de métro Cardeal Arcoverde a rejoint la manif des favelas contre la violence policière. C’était une manif pour la libération de Rafael Vieira Braga. Il est la seule personne encore en prison à Rio de Janeiro après les émeutes de juin 2013. Rafael Braga Vieira, 25 ans, travaillait comme ramasseur de matériaux recyclables dans les rues de Rio, il était SDF, et revendait de vieux objets dans les brocantes de la place XV. Il s’est fait arrêter après une manif en juin 2013. Il avait sur lui des produits de nettoyage pour ses abris de fortune. Il a été arrêté en « flagrant délit » de possession d’une bouteille d’eau de javel et une autre d’alcool, et aussi un balai… Après l’arrestation, il a été mis en détention provisoire sous l’argument du « maintien de l’ordre public« . Le 2 décembre 2013, Rafael Braga Vieira a été condamné à 5 de prison ferme !

Enfin, une autre manif est apparue à Copacabana: une manif « Nao vai ter Copa / FIFA go home ! » qui a été particulièrement remarquée près de la « fan fest » de Copacabana puisque ce même jour se jouait le match Brésil-Cameroun (à Brasilia).

Les trois manifs réunies ont fini devant l’entrée de la favela Pavao/Pavaozinho. Le cortège s’était déjà plus ou moins dispersé quand des flics ont essayé d’embarquer la banderole d’un des manifestants. Il n’a pas voulu la donner et a fini par être embarqué en garde-à-vue. Oui, des fois il suffit de pas grand-chose…

Par ailleurs, une sorte de cimetière symbolique avait été mis en place sur une plage de Copacabana, pour dénoncer les morts des quartiers pauvres ainsi que les expulsions/déplacements:

À Rio, en 24 heures, au moins quatre flics ont tiré à balles réelles, tuant une personne lors d’une opération de « pacification » dans la favela Complexo Alemão…

Lundi 23 juin – Brasilia

Un rassemblement a eu lieu en marge du match Brésil-Cameroun qui se jouait dans le stade Mané-Garrincha. Les flics y étaient bien plus nombreux que les manifestant-e-s, ce qui n’a pas empêché ces dernier-e-s de brûler en public une réplique du trophée de la Coupe du monde et un drapeau brésilien…

Lundi 23 juin – São Paulo

Dans l’après-midi, un peu plus de 200 personnes ont manifesté contre la Coupe du monde, notamment sur l’Avenida Paulista. La présence policière était ultra-massive, avec bien sûr énormément de flics anti-émeute, mais aussi des flics à cheval, en voiture et en hélico. Ils étaient bien plus nombreux que les manifestant-e-s… Depuis les émeutes du 19 juin, la ville est limite en état de siège, sous occupation policière et militaire.

Dans la soirée, la manif a grossi en nombre (plus de 300 personnes) puis a tourné à l’émeute, la fameuse Avenida Paulista étant fermée à la circulation du fait des affrontements entre manifestant-e-s et policiers. Des flics ont tiré des coups de feu pour repousser des manifestant-e-s s’opposant à des arrestations ou tentatives d’arrestation.

Suite à cette manif, au moins deux des personnes arrêtées sont inculpées d' »incitation à la violence, conspiration et possession d’engins explosifs« , avec bien évidemment l’étiquette supposée terrifiante de « black bloc » qui leur est collée dessus.

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São Paulo, 23 juin 2014 – Un concessionnaire Lamborghini a fait le vide, de peur qu’il arrive la même chose qu’au concessionnaire Mercedes-Benz le 19 juin dernier…

Lundi 23 juin – Porto Alegre

Pas mal de drapeaux anarchistes en tête de manif, mais là aussi, plus de flics que de manifestant-e-s…

Lundi 23 juin – Recife

À Recife, ce sont des supporters croates qui se sont fait remarquer: en plein match Mexique-Croatie, ils ont brandi chacun-e une lettre derrière le but de Guillermo Ochoa, le gardien mexicain, donnant un très simple et efficace « FIFA Mafia » (bon, peut-être plus à cause de l’arbitrage de Brésil-Croatie qu’à cause de tout le reste, mais bon…). Les vigiles de la FIFA n’ont pas tardé à réagir, comme on peut le voir sur les photos ci-dessous (les gilets orange, c’est les vigiles/stadiers…).

Recife, 23 juin 2014 – « FIFA Mafia »

Mardi 24 juin – São Paulo

Une manif organisée par le MTST (Mouvement des travailleurs sans toit) est partie de la Praça da República. À la fin de la manif, un campement a été mis en place par plusieurs centaines de personnes en face de la mairie de São Paulo. Les manifestant-e-s exigeaient de meilleures conditions de vie, et notamment de meilleures conditions de logement. Le MTST demande en particulier la légalisation de trois de leurs occupations sur la ville.

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Mercredi 25 juin – São Paulo

Réponse au coup de force du MTST de la veille, la police expulse 160 familles d’un bâtiment squatté dans le centre-ville.

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[Sources: L’Equipe | Vice | Autogestao.org | Le Chat Noir Émeutier | Ninja Midia | GGN | Gazeta do Povo | G1 | etc.]