Rio de Janeiro (Brésil): communiqué au sujet de la condamnation de 23 personnes pour les émeutes en 2013-2014

Ci-dessous un communiqué de la Bibliothèque anarchiste Kaos, qui a été traduit à partir de la traduction en espagnol de Vozcomoarma. Il revient sur les lourdes peines qui sont tombées le 17 juillet dernier sur 23 camarades (allant de 5 à 13 ans de taule), accusé-e-s d’avoir pris part aux émeutes en 2013 et 2014 à Rio de Janeiro. La rue avait répondu aux politiques de nettoyage social, de gentrification, de rénovation urbaine et autres mesures visant à renforcer le contrôle sur les pauvres et indésirables, les repoussant toujours plus loin du centre de Rio. De nombreuses émeutes ont secoué la normalité pendant de longs mois.


Condamnés: incorrigibles !

Puisque nous sommes contre tout ce qui va à l’encontre de la liberté, nous sommes aujourd’hui contre la condamnation des 23 personnes incarcérées pour les manifestations de 2013 et de 2014 à Rio de Janeiro.

La Liberté d’autrui étend la mienne à l’infini – M. Bakounine

A Rio de Janeiro, 23 personnes ont été condamnées à des peines allant de 5 à 13 ans[1] de prison ferme par le juge Flavio Itabaiana de la 27ª audiencia penal de Río de Janeiro dans le cadre de « l’Operación Firewall », accusées « d’avoir commis des actes violents, formé un attroupement non autorisé, causé de lourds dommages à la propriété, résisté, causé des blessures et détenu des engins incendiaires et explosifs ».

Toutes étaient poursuivies par la Delegacia de Repressão a Crimes de Informática, la police politique mise en place lors de la Coupe du Monde de football et les Jeux Olympiques, la même qui surveillait les manifs à Porto Alegre et à Sao Paulo.

Ce n’est pas un hasard si cette opération répressive se soit nommée ainsi : Firewall (pare-feu), qui est le nom d’un dispositif à l’intérieur d’un réseau d’ordinateurs visant à appliquer un protocole de sécurité à un point-clé de ce réseau. Ce pare-feu éviterait les éléments nuisibles au sein même de ce réseau d’ordinateurs. Les médias et les technologies de communications sont utilisés comme outils de contrôle et de répression (nous le savons depuis un certain temps déjà), mais cette fois ce fut un exemple frappant de la potentialité de ces ressources à des fins répressives.

Selon le juge (dans un acte de bienveillance), la détention préventive n’a pas été prononcée afin que les personnes condamnées puissent faire appel du jugement, par mesure de précaution. Mais cette condamnation, même avec la possiblité de recourir à la « liberté », a pour nous trait au fait qu’ils nous veulent incarcéré-e-s. Et cette condamnation doit désormais changer le précédent pour l’agitation contre la société carcérale, pour l’agitation de la solidarité.

Comme pour les personnes récemment réprimées par l’opération Erebo, le minimum que nous puissions faire face à cette condamnation est d’exprimer une solidarité forte à travers l’appel à une agitation combative et solidaire contre la condamnation.

Mais pas sous le mot d’ordre d’être contre la criminalisation de la lutte. Le fait de lutter ne peut pas être enfermé dans les règles de ce qui est légal ou non, de ce qui est criminel ou innocent, de ce qui est autorisé ou interdit. La lutte va au-delà de ces logiques, précisément parce qu’elle va dans le sens opposé à elles. Nous sommes contre la répression car tout le système de domination est une répression constante et quiconque s’en rend compte et s’y oppose, proteste ou descend dans la rue rompt avec cette domination sur le plan matériel comme individuel. Quiconque se rebelle contre l’ordre existant sera toujours considéré comme « criminel », parce que le crime de manifester, c’est de ne pas être complètement soumis à la domination. Si nous luttons avec pour slogan « manifester n’est pas un crime », nous accepterions et légitimerions l’existence des prisons et, anarchistes que nous sommes, nous aimons la liberté et nous restons des ennemi.e.s irréconciliables des cages.

Comment ne pas sortir dans les rues contre les spectacles qui justifient les multiples facettes du nettoyage social? Comment rester indifférent.e face à l’aménagement urbain, la militarisation et l’embellissement des rues pour l’escapade et le tourisme de la bourgeoisie qui a participé à ce Mondial et aux JO? C’est une grande tristesse de voir cela aux cris de « Goal! » ou avec l’enthousiasme d’une médaille d’or, que des personnes oublient les exactions policières, les morts, les politiques génocidaires qui sont produites par ce spectacle. Et c’est une joie incommensurable d’apprendre que des incorrigibles sont sorti.e.s et ont tout cassé, même le prétendu contrôle des « autorités » qui ont investi des millions dans la sécurité.

La lutte violente est le geste minimum de sensibilité que nous avons face à l’oppression dominante qui cherche à s’étendre comme une vie « normale ».  C’est le signe que nous ressentons encore la cruauté de la dévastation, de la guerre non déclarée, et que tel.le.s des animaux face au dompteur… nous réagissons contre le fouet.

Contre les condamnations, notre agitation permanente.

Solidarité avec celles et ceux qui luttent !

Biblioteca Anarquista Kaos

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Les 23 personnes condamnées pour les manifs de 2013 à Rio de Janeiro:

  • Elisa Quadros Pinto Sanzi, condamnée à 7 ans de prison.
  • Luiz Carlos Rendeiro Júnior, condamné à 7 ans de prison.
  • Gabriel da Silva Marinho, condamné à 5 ans et 10 mois de prison.
  • Karlayne Moraes da Silva Pinheiro, condamnée à 7 ans de prison.
  • Eloisa Samy Santiago, condamnée à 7 ans de prison.
  • Igor Mendes da Silva, condamné à 7 ans de prison.
  • Camila Aparecida Rodrigues Jordan, condamnée à 7 ans de prison.
  • Igor Pereira D’Icarahy, condamné à 7 ans de prison.
  • Drean Moraes de Moura, condamnée à 5 ans et 10 mois de prison.
  • Shirlene Feitoza da Fonseca, condamnée à 5 ans et 10 mois de prison.
  • Leonardo Fortini Baroni, condamné à 7 ans de prison.
  • Emerson Raphael Oliveira da Fonseca, condamné à 7 ans de prison.
  • Rafael Rêgo Barros Caruso, condamné à 7 ans de prison.
  • Filipe Proença de Carvalho Moraes, condamné à 7 ans de prison.
  • Pedro Guilherme Mascarenhas Freire, condamné à 7 ans de prison.
  • Felipe Frieb de Carvalho, condamné à 7 ans de prison.
  • Pedro Brandão Maia, condamné à 7 ans de prison.
  • Bruno de Sousa Vieira Machado, condamné à 7 ans de prison.
  • André de Castro Sanchez Basseres, condamné à 7 ans de prison.
  • Joseane Maria Araújo de Freitas, condamnée à 7 ans de prison.
  • Rebeca Martins de Souza, condamnée à 7 ans de prison.
  • Fábio Raposo Barbosa, condamné à 7 ans de prison.
  • Caio Silva de Souza, condamné à 7 ans de prison.

Note de Squat!net:
[1] Parmi les 23, deux personnes ont également été condamnées lors d’un autre procès à 6 ans de prison, ce qui revient au total pour ces deux personnes à 13 ans de prison.

Post scriptum: on pourra relire la brochure de Sans patrie « Génocide et spectacle ».

[Publié le 31 juillet 2018 sur Sans Attendre Demain. Traduit de l’espagnol de La Rebelion de las Palabras, 29 juillet 2018.]