Guyane: les “habitats informels” en danger, notamment à cause du projet de loi ELAN

Le projet de loi ELAN créé des remous jusque de l’autre côté de l’océan Atlantique ! Précisément, en Guyane.

Le 21 juin dernier, un blocage de la route des plages à Rémire-Montjoly a eu lieu contre l’article 57 bis de la loi ELAN, un article spécifique aux territoires de Guyane et de Mayotte, qui confèrerait aux Préfets la possibilité d’ordonner l’évacuation et la démolition d’habitats informels, sans passer par une étape judiciaire, menaçant de fait les nombreux bidonvilles et autres types d’habitats auto-construits de ces deux DROM.

Le 13 juillet, à l’appel de l’association Droit au Logement, plus d’une centaine de personnes ont manifesté dans les rues de Cayenne pour dire “non” à ce même article 57 bis.

Mais côté réaction, ça s’active aussi… Le 5 septembre, à Cayenne, un squat situé au 53 rue Madame Payé a subi une expédition punitive par une milice constituée de plusieurs dizaines d’hommes. La maison squattée a ainsi été expulsée par la force et la terreur, sans aucune procédure judiciaire. Comme un avant-goût de la loi ELAN…

Depuis, les squatteur-euse-s expulsé-e-s ont porté plainte, et José Achille, l’un des leaders des « Grands Frères » [1] a été entendu par la police, soupçonné d’être à l’origine de cette expédition puisque lui-même et plusieurs autres membres des « Grands Frères » ont été reconnus par les squatteur-euse-s et les voisin-e-s lors de l’expulsion.

Une semaine après, c’est Mikaël Mancée, ex-policier (onze ans de carrière, tout de même) et ex-porte-parole des « 500 Frères » qui expliquait en 2017 qu’« un voleur mort c’est un voleur qui ne vole plus », qui a été entendu, librement, par la police. Ce même Mikaël Mancée, étant président des « Grands Frères » et s’activant sans aucune abiguité pour soutenir l’État dans son oeuvre de « maintien de l’ordre » [2], on peut imaginer que rien de bien grave ne devrait lui arriver venant de la police française… Les personnes qui ont commis l’expulsion-expédition punitive pourraient pourtant être poursuivis pour dégradation du bien d’autrui, violences en réunion et violation de domicile.

Depuis la brutale expulsion, lors de laquelle trois personnes dont une femme enceinte ont été blessées, le squat du 53 rue Madame Payé a été réoccupé, les squatteur-euse-s s’y réinstallant avec malgré tout pas mal de travaux à faire, le squat ayant été saccagé lors de son expulsion…

Ce cas est symptomatique d’une période tendue en Guyane pour les squats comme pour les habitats dits « informels » (bidonvilles et autres), qui sont nombreux en Guyane ; ils sont encore plus menacés que d’habitude, que ce soit par les actions des « Grands Frères », la pression médiatique montante, et la loi ELAN qui est en train de se décider loin de là, au coeur de la métropole…

Notes:
[1] Les « Grands Frères », c’est une association sécuritaire guyanaise qui a succédé aux « 500 Frères contre la délinquance », ce collectif-milice né lors du mouvement social guyanais de mars-avril 2017.
[2] En mai 2017, Mikaël Mancée affirmait dans une interview: « Avec les ‘Grands Frères’, nous souhaitons œuvrer avec les forces de l’ordre pour que leur travail soit plus efficace. Nous voulons faire le lien entre la réalité du terrain et leur fonction, faire en sorte que leur place dans la société soit la meilleure pour que nous puissions vivre en sécurité. »

[Sources: La 1ère 1, 2, 3, 4, 5 | France-Guyane | Spasme | Reporterre | Ouest-France.]