Barcelone: manifeste des tourismophobes

« PHOBIE : aversion exagérée pour quelqu’un ou quelque chose. PHOBIE : aversion passionnée, angoissée et obsessionnelle, généralement de nature pathologique » Dictionnaire de l’Institut d’Estudis Catalans (DIEC).

SOMMES-NOUS DES TOURISMOPHOBES ?

OUI : nous avons une aversion passionnée pour le tourisme, pour ce qui le produit et tout ce qui l’entoure, mais nos phobies ne se limitent pas au tourisme et s’étendent à la plupart des domaines de notre vie, nous avons la phobie de l’autorité, de la police, du travail, des banques, des écoles, des parlementaires, de la Generalitat… Tout un système qui nous exploite et nous aliène, nous transformant en consommateurs.

NOUS SOMMES SYSTÈMOPHOBES !

Nous ne considérons pas le tourisme comme une oppression différente de celles que nous subissons, elle peut varier en degré mais c’est la même, elle n’a pas de barrières territoriales. Le tourisme transforme tout ce qu’il touche en marchandise. Pour nous, beaucoup de choses ne sont pas des marchandises (les paysages, les odeurs, l’environnement, la nature, les relations sociales…) jusqu’au jour où nous découvrons qu’une étiquette avec un prix leur a été attachée… c’est ce qui nous arrive avec l’expansion du tourisme.

LA TOURISTIFICATION EST UNE OPPRESSION DE PLUS, MAIS RIEN DE BIEN DIFFÉRENT DES AUTRES

Le tourisme est un marché limité qui touche une grande partie de la population de la planète et qui en croise d’autres comme le colonialisme, le consumérisme, le patriarcat… Il y a ceux qui voyagent pour leurs loisirs (environ 4 % de ceux qui franchissent les frontières) et une grande masse de migrants qui finissent souvent par travailler dans des secteurs de services (mal payés), y compris ceux liés au tourisme.

La touristification n’a pas seulement un impact sur certains pays et villes « développés » (Paris, Londres, Venise…), une grande partie de cet impact va vers les pays « exotiques », où il coexiste avec le « tourisme domestique » des élites locales, donnant lieu à un extractivisme environnemental et social qui appauvrit, précarise et acculture les destinataires. Ces élites locales des pays du Sud se rendent également dans le Nord, contribuant (à hauteur de plus de 15% en Catalogne) à l’appauvrissement des subalternes du Nord, dont beaucoup sont des immigrés du Sud.

En 2021, 13 millions de Catalans (sans doute beaucoup d’entre eux affectés négativement par le tourisme) ont voyagé en dehors de la Catalogne pour leurs loisirs, ce qui signifie que nous avons fait plus de deux voyages dans le reste de l’État ou à l’étranger… nous sommes devenus des touristes deux fois par an. Il n’y a pas d’alternatives personnelles (vertueuses) ou territoriales, il n’est possible de survivre à la touristification qu’en anéantissant tout ce qui nous opprime.

Le tourisme n’a pas que des effets économiques et sociaux, il a aussi pour fonction de perpétuer des rôles et des mécanismes de domination, la valeur de l’illusion d’exclusivité et d’être « d’une autre classe » et la décharge et l’amortissement des tensions ne doivent pas être sous-estimés. L’activité touristique, surtout la plus massive, a aussi un aspect disciplinant : les files d’attente et les humiliations aux frontières et l’effet répulsif de l’exercice d’un pouvoir (temporaire et honteux) sur les destinataires, qu’il s’agisse de travailleurs ou d’habitants du territoire visité.

ANGOISSÉ PAR LE TOURISME ?

C’est peut-être une pathologie ou une compulsion, mais nous détestons les rustines, c’est pourquoi nous ne croyons pas à la réduction du tourisme, tout comme nous ne croyons pas au tourisme de qualité ou au tourisme durable. Les patchs sont les mêmes, avec un embellissement un peu différent : quelle différence y a-t-il entre être serveuse pour des travailleurs allemands et travailler pour un cheikh du Golfe ?

Nous n’acceptons pas les propositions gradualistes, celles de la transition énergétique, celles de la décroissance… mais nous ne méprisons aucune forme d’action tant qu’elle est directe et sans intermédiaire, y compris le vandalisme.

Jusqu’à ce que nous cessions d’être des touristes, jusqu’à ce que nous cessions d’être des marchandises !
Jusqu’à l’abolition des Etats et du capitalisme.

CONTRE TOUT CE QUI NOUS OPPRIME, SOYONS SYSTÈMOPHOBES !
CONTRE L’EXPLOITATION DU TRAVAIL ET LA CONSOMMATION !
SOYONS TOURISMOPHOBES !

Barcelona, juillet 2024
TERRA I LLIBERTAT (anarquistes contra la devastació de la terra)
devastacio@@@riseup.net
https://malclima.blackblogs.org/

[Publié le 28 juillet 2024 sur Attaque.]