Le 8 août au matin, le squat Garave a été expulsé illégalement. Il a été repris le 11 août au matin.
Avant de revenir sur ces évènements, il nous semble bon de rappeler que le squat Garave (a.k.a La Fausse Commune) était un squat de vie et d’activité ouvert depuis la mi-mars 2014, au 21 bis rue Jean Pain à Fontaine, « banlieue rouge » de Grenoble, dans un bâtiment vide depuis de nombreuses années, en indivision et sans projet concret dessus. On y trouvait pêle-mêle des projections de films et documentaires, un atelier vélo avec une permanence régulière, des concerts, des spectacles, du théâtre, une zone de gratuité, un infokiosque, un atelier électronique, des ateliers terre glaise/papier mâché/peinture, des après-midi jeux, de la place pour stocker du matériel, une bibliothèque, des redistributions de légumes récupérés, des fosses pour réparer son véhicule, ainsi qu’un espace d’habitation et de vie collective avec une importante capacité d’accueil. Toutes les activités se voulaient orientées sur l’ouverture, la participation libre et la solidarité. C’était un lieu où l’on pouvait facilement se retrouver et où il était possible de s’organiser collectivement pour tenter de vivre sur des bases anti-autoritaires et rompre avec les systèmes de domination institués. Les décisions internes quant à l’organisation du lieu et de la vie en son sein se voulaient tenir compte de la sensibilité de chacun-e et étaient prises en réunions hebdomadaires par consensus. Le fait que le lieu ait brassé un bon nombre de personnes somme toute assez différentes notamment du fait du grand espace que constituait le hangar [1] permettait de confronter nos propres contradictions – parfois assez durement – de faire ressortir nos conflits et nos envies incompatibles, d’assumer nos divergence parfois jusqu’à la rupture. Mais aussi, et surtout, d’affirmer et déployer nos forces communes.
Après notre procès en juin dont le le jugement a été rendu fin juillet, nous avions un mois de délai avant expulsion. Soit jusqu’au 30 août. Nous avons donc déménagé une bonne partie de nos affaires et avons décidé que le concert du premier août serait notre dernière activité, après cette date le lieu demeurerait uniquement un lieu d’habitation et donc moins ouvert vers l’extérieur. Entre temps nous avons accueilli deux familles roms avec enfants suite à l’expulsion du camp Esmonin par le maire EELV de Grenoble, Eric Piolle, comme pour beaucoup d’autres personnes aucun relogement ne leur était proposé.
Profitant du fait qu’une bonne partie d’entre nous soit partie en vacances pour quelques jours, le squat a été expulsé alors qu’il restait une vingtaine de jours de délais légaux. Dans cette affaire la Mairie de Fontaine, dirigée par Jean Paul Trovero du PCF, a joué un rôle majeur et a ainsi pu démontrer encore une fois toute sa considération envers les populations roms et migrantes, que nous avions déjà pu constater tout récemment avec l’expulsion d’un squat de voisin-e-s dont certain-e-s passaient souvent chez nous pour profiter de notre espace, jouer au billard, recharger leur portable, se baigner ou tout simplement passer du temps avec nous.
Retour sur l’expulsion, samedi 8 août :
Prévenue la veille par des voisin-e-s soucieu-x-ses de ne pas avoir de Roms dans le quartier, la police municipale s’est introduite illégalement dans notre domicile au matin en ordonnant aux personnes sur place à ce moment – soit les familles roms – de quitter les lieux immédiatement, menaçant d’appeler la police nationale. On a pu entendre de la bouche de leur donneur d’ordre répondant aux contestations « Je m’en fous que l’expulsion soit illégale ». Entre temps des élu-e-s de Fontaine sont venu-e-s avec les propriétaires terminer l’expulsion, constater que le lieu était bien « vide de ses occupants » et finalement lui restituer son bien.
Par la suite la Mairie a condamné le bâtiment, mis une chaîne au portail et fait appel à une boîte privée de gardiennage pour surveiller 24h/24. Aucune proposition de relogement n’a été formulée et personne n’a été autorisé à récupérer ses affaires. Les habitant-e-s expulsé-e-s ce jour-là ont dormi à droite à gauche les jours suivants sans solution pérenne ou du moins confortable.
Mobilisation et réoccupation.
Plusieurs personnes se sont mobilisées pour aider les habitant-e-s expulsé-e-s, notamment en leur trouvant où dormir. Des personnes se sont plaint auprès de la Mairie ou directement auprès des vigiles qui ne voulaient pas nous laisser récupérer nos affaires. Notre avocat a rapidement contacté le Maire, contestant l’expulsion et lui affirmant que c’était illégal.
Pour s’organiser face à cette expulsion, un appel à se réunir le 10 août a été lancé. Suite à cela des habitant-e-s revenu-e-s rapidement en apprenant la nouvelle et des personnes désirant apporter leur soutien se retrouvèrent dans la nuit pour tenter, à minima, de récupérer les affaires. Sur place les vigiles furent formels : pas question pour nous de rentrer dans notre domicile. Il nous a aussi été dit que l’huissier allait passer le lendemain matin accompagné de l’équipe de nettoyage. Pour pouvoir agir à leur arrivée, maintenir la pression et éviter que l’huissier constate que nous « n’habitions plus là » il a été décidé de rester devant le portail autant de temps qu’il le faudrait. Des matelas, des coussins et de la nourriture furent ramenés, les plus fatigué-e-s s’installèrent pour dormir, certain-e-s commencèrent à jouer aux cartes, d’autres à bavarder. Les personnes ne voulant pas rester repartirent peu à peu. Les quelques baladeur-euse-s nocturnes s’interpellaient, venaient nous voir et afficher leur sympathie.
Le lendemain matin, une élue est venue s’enquérir de la situation, se présenter aux vigiles et nous rappeler qu’il était dangereux pour nous de s’allonger sur la chaussée. Une heure plus tard un élu s’arrête en voiture, nous dit que les personnes expulsées le 8 pouvaient récupérer leurs affaires. Il nous a dit qu’aucun-e de nous n’était là ce jour-ci. Après maints efforts et à l’aide du papier du tribunal, il nous a finalement laissé nous réinstaller dans notre domicile rappelant les vigiles derrière lui.
Tou-te-s les habitant-e-s ont ainsi pu réinvestir le lieu jusqu’au 30 août, date d’expulsion légale. A noter que nous n’avons pour l’instant aucune solution pérenne de logement après cette date pour certain-e-s habitant-e-s et particulièrement pour les familles roms qui risquent à nouveau de se retrouver à la rue. Au moins, d’ici-là personne ne sera surpris à son retour de retrouver des vigiles lui interdisant l’accès à son domicile et mis à part une inondation de l’étage, un peu de bazar et de la monnaie disparue, il nous semble que tout est en ordre. Nous saluons au passage toute personnes ayant apporté à sa manière son soutien ou son aide suite à cette expulsion, que ce soit le jour même, le 10 ou 11 août ou dans l’intervalle.
Nous nous rendons bien compte que tout cela n’aurait pas été possible si c’était les familles roms qui avaient fait la démarche de réoccupation et tenons à dénoncer le racisme toujours dégoulinant de la Mairie de Fontaine prête à tout dans sa démarche populiste et électoraliste pour apporter son soutien aux lubies réactionnaires de quelque un-e-s de ses administré-e-s. Leur idéologie de la tranquillité se concrétise aux dépens des autres surtout quand ceux/celles-ci sont « non intégrables », racisé-e-s, jeunes, précaires ou « communautaristes » sa pire expression est bien visible dans cette haine des Roms qui ronge cette ville (et pas qu’elle !) qui se revendique « depuis toujours terre d’accueil » [2] ou encore dans la situation actuelle des migrant-e-s à Calais.
Trovero expulse, les squats résistent !
Des gens de Garave
Notes :
[1] Par exemple : parfois plus de 15 à y habiter en plus des nombreux passages, environ 200 lors du dernier concert qui, soit dit en passant, restera un très bon souvenir pour nous.
[2] Citation de Jean-Paul Trovero tirée du journal de la Communauté de communes, la Métro, dans un article où il se félicite de l’installation à Fontaine de l’usine qui fabriquera les nouveaux compteurs intelligents, les compteurs Linky, plus d’info sur Indymedia-Grenoble.