Dong Tam (Vietnam): des villageois-es en lutte se barricadent et retiennent des flics en otage

Le mois dernier, le dimanche 16 avril 2017, dans le village de Dong Tam, à proximité de Hanoï, des affrontements violents ont opposé des habitant-e-s aux policiers, les jets de pierres forçant ces derniers à reculer… Dans la foulée de ces émeutes, environ une quarantaine de policiers ont été retenus en otage dans un gymnase par des villageois-es en colère qui protestaient contre la confiscation de leurs terres par l’armée.

En effet, à l’origine de la colère des habitant-e-s de Dong Tam, il y a la décision prise par les autorités de confisquer leurs terres au profit d’une société de télécommunication, Viettel, détenue par l’armée. Au Vietnam, toutes les terres appartiennent à l’Etat et il arrive fréquemment que les autorités confisquent des terrains pour ensuite y mener de juteuses opérations immobilières. On le sait dans le reste du monde aussi, la « propriété publique » (ou « d’Etat ») ne diffère pas de la « propriété privée »: le droit de propriété bénéficie toujours aux plus aisé-e-s.

En l’occurrence, les autorités vietnamiennes espéraient que les paysan-ne-s de Dong Tam se contentent des indemnisations auxquelles ils avaient droit, mais elles sont loin de compenser la perte de leurs terres, principal moyen de subsistance des villageois-es.

Assez rapidement, les villageois-es ont proposé aux autorités d’échanger leurs otages contre une quinzaine de fermiers arrêtés par la police lors des émeutes, ainsi que d’autres arrêtés précédemment pour avoir enfreint les règlements sur l’utilisation des terres. Des négociations se sont donc engagées et sont restées lettre morte dans un premier temps.

Le village de Dong Tam s’est retrouvé coupé du monde, barricadé par les villageois-es et encerclé par les forces de l’ordre, il semblait s’apprêter à de nouveaux affrontements. La tension est encore montée d’un cran le jeudi 20 avril quand les habitant-e-s, qui retenaient alors les policiers en otage depuis quatre jours, ont refusé de rencontrer le président du Comité populaire de Hanoï. Celui-ci leur proposait de discuter d’une possible sortie de crise non pas au village même mais à 17 kilomètres de là, au chef-lieu du district de My Duc. Par peur de se faire arrêter par la police, les habitant-e-s sont donc restés chez eux. En plus d’avoir barricadé les entrées du village, les habitant-e-s auraient également aspergé d’huile et menacé d’embraser le bâtiment dans lequel étaient retenus les otages…

Ce même jour, le 20 avril, les paysan-ne-s d’un autre village situé près de Hanoï, dans la province de Bac Ninh, se sont révolté-e-s. Des centaines de policiers anti-émeute ont immédiatement été envoyés sur place. Et, soucieuses d’éviter que ces évènements ne fassent tache d’huile, les autorités ont progressivement cédé à une partie des revendications des villageois-es de Dong Tam.

C’est le samedi 22 avril qu’un dénouement a été trouvé à la prise d’otage et à une partie du combat des villageois-es de Dong Tam: alors que plusieurs policiers otages avaient été libérés pendant la semaine, ainsi que les villageois arrêtés par la police, les 19 policiers otages restants ont été libérés par les habitant-e-s de Dong Tam à la suite d’une négociation qui s’est finalement tenue entre habitant-e-s en lutte et le président du Comité populaire de Hanoï, Nguyen Duc Chung. Celui-ci a également assuré aux villageois-es qu’ils ne seraient pas confronté-e-s à des accusations criminelles pour la prise d’otage.

Ces dernières années, d’autres moments de conflit relatifs aux questions de propriété ont marqué le Vietnam. Parmi les plus connus, un pisciculteur avait utilisé en 2012 des armes artisanales pour résister à une expulsion forcée et blessé sept policiers. Il a ensuite été emprisonné pendant cinq ans, mais son cas est devenu un symbole de l’exaspération publique croissante sur les droits fonciers. En 2013, un homme armé a tué un agent provincial avant de se suicider pour s’opposer à la prise de son terrain par les autorités au nord du Vietnam.

Les griefs liés à la terre restent la principale source d’inquiétude et de protestation au Vietnam. En 2012, ils représentaient 70% de toutes les plaintes déposées contre le gouvernement, selon un rapport parlementaire.

Dans les bureaucraties communistes comme dans les démocraties libérales et les dictatures militaires: crève la propriété privée !

[Sources: RFI 1 & 2 | Le Viêt Nam, aujourd’hui | Viet Tan.]