Depuis le mois d’octobre 2024, la lutte pour le droit au logement et contre les expulsions s’intensifie dans le département du Calvados. Plusieurs collectifs ont récemment ouvert bon nombre de nouveaux squats malgré les nouvelles lois répressives.
Retour sur les dernières ouvertures par ici qui montrent bien que seule la lutte paie, et que même dans un contexte difficile, on peut faire bien des choses.
Le 29 octobre 2024, soit 3 jours avant la trêve hivernale, le squat du 15 rond-point de l’Orne à Caen est expulsé suite à une décision de justice. Le squat était habité par une quarantaine de personnes depuis juin 2023. Cette expulsion déclenche une semaine de mobilisation, où des actions diverses ont lieu quotidiennement (rassemblements, assemblées, occupations temporaires de bâtiments, manifestations, tractages, dégradations et tags, etc). La mobilisation débouche sur l’ouverture d’un nouveau squat, celui de l’ancienne Chiffo, le 30 octobre 2024, non loin du squat de la Demi-lune et de l’ancien squat de la Pouponnière. Une cinquantaine de personnes y vivent, et des activités s’y organisent.
Le 30 octobre 2024, c’est un squat, celui de La Pommeraie à Cambremer (entre Caen et Lisieux), qui est rendu public par le collectif Solidarités Exilé.e.s Lisieux Pays d’Auge et environs. Ce nouveau collectif s’est créé via les solidarités qui se sont nouées notamment dans la ville de Lisieux au cours des derniers mois, où plusieurs squats ont vu le jour et ont parfois été défendus avec détermination. Les habitant-es du squat de Cambremer venaient justement d’être expulsé-es quelques jours avant la trêve hivernale d’un squat lexovien. Ils et elles ont donc trouvé un nouveau domicile dans un ancien EPHAD de Cambremer. Le 29 novembre, le tribunal a rendu sa décision : l’expulsion est prononcée mais les habitant-es disposent de 8 mois pour quitter les lieux (jusqu’au 31 juillet 2025).
Le 21 novembre 2024, une petite dizaine de personnes exilées s’installent dans un ancien cabinet de notaire vide depuis l’automne 2022, dans la commune de Bourguébus (en périphérie de Caen). Avec l’Assemblée Générale de Lutte contre toutes les expulsions, ils rendent public ce squat le 7 décembre.
Le 23 novembre, c’est cette fois le collectif Solidarités exilé.e.s Lisieux Pays d’Auge et environs qui officialise un squat dans la ville de Colombelles, où habite à présent une famille en exil.
Puis le 27 novembre, l’AG de lutte contre toutes les expulsions officialise le squat d’une ancienne clinique vétérinaire boulevard Detolle à Caen par plusieurs familles exilées.
En décembre, une mobilisation a lieu pour aider les occupant-es d’un ancien centre d’hébergement du 115, appelé la Feuilleraie (autrefois maison du directeur de la Société Métallurgique de Normandie, transformée ensuite en EHPAD, avant de devenir un centre d’hébergement d’urgence). En avril dernier, la mairie de Mondeville émet un arrêté de péril suite à deux rapports alarmants sur les conditions de sécurité de cet établissement, et plusieurs familles sont expulsées. Mais d’autres choisissent de rester et se maintiennent dans les lieux faute de mieux. Le (multi)propriétaire et homme d’affaire Erwan Laborie via sa société l’E.I.R.L. Laborie-Un toit pour tous (plus de 100 biens immobiliers rien que dans l’agglomération caennaise), après avoir refusé de faire les travaux nécessaires, se voit retirer le juteux contrat d’hébergement par la préfecture. En 2019, l’État leur versait annuellement 2,92 M€ pour la mise à disposition de 500 places destinées à un public en grande précarité. Laborie a demandé aux habitant-es de quitter les lieux, ce qui a été refusé : les propositions de relogement étaient irréalisables.
Depuis le propriétaire à changé, et menace sérieusement d’expulser les habitant-es par ses propres moyens. Il dégrade progressivement les conditions de vie : coupure du gaz, du chauffage et de l’eau chaude, de l’électricité par intermittence, et les mène en bateau sur le maintien de leur présence sur le lieu. Le 23 décembre et les jours qui suivent, des personnes en soutien viennent sur place pour essayer d’empêcher une expulsion manu militari, car le propriétaire menace de ramener des gros bras. Régulièrement, des personnes accompagnées de celui se revendiquant être « le nouveau propriétaire » (ce qui n’a pas pu être vérifié) et « enfant de Jésus » philanthrope selon ses dires, intimident, menacent de coupures d’électricité et de chauffage en plein hiver, ou encore de démontage de porte, et extorquent les habitant-es à hauteur de 50 euros par personne et par mois pour « payer les charges du bâtiment ». Les habitant-es reçoivent, contre paiement, un reçu de « SAS coeur de Sologne ». Pratiques mafieuses dont les autorités sont pourtant bien au courant. Le conflit est aujourd’hui toujours en cours.
Le 21 décembre, un autre squat est officialisé à Colombelles, par le collectif Solidarités exilé.e.s Lisieux Pays d’Auge et environs. La maison située rue de la Coopérative, propriété de CDC habitat, abrite une famille exilée.
La semaine suivante, le même collectif rend public un autre squat, cette fois à Giberville (périphérie de Caen), dans la rue des Marguerites, de nouveau pour une famille exilée.
Enfin, le samedi 4 janvier 2025, l’AG de lutte contre toutes les expulsions dévoile 2 squats (ndlr: le premier squat au 29 avenue Casimir Delavigne, le second au 75 boulevard Maréchal Joffre). Ils sont occupés depuis le 1er janvier dans la ville côtière de Ouistreham, un point de passage frontalier vers l’Angleterre. Il n’y avait plus eu de squats à Ouistreham depuis 2022. Les deux bâtiments squattés appartiennent à la mairie de Ouistreham, et étaient autrefois utilisés pour des séjours vacances de la Ligue de l’Enseignement, des bâtiments dont le bail a été interrompu à la demande de la mairie de Ouistreham sans davantage d’explication. Les exilés soudanais du campement de Ouistreham (un lieu de vie informel le long du canal qui se jette dans la Manche) vont pouvoir s’y installer progressivement et avoir ainsi accès à un toit. Ce sont des squats hautement symboliques, car le maire de Ouistreham, Romain Bail, mène une politique raciste et décomplexée depuis des années. L’installation de 80 nouvelles caméras de surveillance n’aura pourtant pas empêché ces nouveaux squats d’exister.
Par ici, la loi Kasbarian-Bergé en a motivé plus d’un-e à redoubler d’effort pour lutter. Les discussions sur la manière de défendre nos lieux de vies et d’en créer de nouveaux s’approfondissent. La lutte contre les politiques racistes, les frontières et les expulsions ne bat pas de l’aile, bien au contraire. La presse constate : il y aurait au moins 18 squats dans l’agglomération caennaise… évidemment, puisque la précarité s’accentue et que l’État s’attaque toujours davantage aux personnes exilées, à la liberté d’aller-venir et de vivre où on le souhaite. Alors que les gouvernements successifs tentent de nous rendre la vie toujours plus impossible à coup de législations et d’obstacles administratifs, c’est par l’auto-organisation et la solidarité que l’on fait face. Ici, tous ces squats, malgré le lot de conflits et de contradictions qu’ils peuvent susciter, sont des bouffées d’air frais pour nous toustes. Continuons la bagarre.
Quelques personnes en lutte
Groupes liés aux sans-papiers sur Caen et alentours https://radar.squat.net/fr/groups/city/caen/city/caen/topic/sans-papiers
Des squats à Caen https://radar.squat.net/fr/groups/city/caen/squated/squat
Des squats à Ouistreham https://radar.squat.net/fr/groups/city/ouistreham/squated/squat
Des squats expulsés à Caen https://radar.squat.net/fr/groups/city/caen/field_active/1/squated/evicted
Des groupes (centres sociaux, collectifs, squats) à Caen https://radar.squat.net/fr/groups/city/caen
Des événements à Caen https://radar.squat.net/fr/events/city/Caen