Émeute à Copacabana : les raisons, et les vrais responsables
Encore un mort et une émeute cette nuit [22-23 avril 2014] dans une favela de Rio de Janeiro, à Copacabana. Un danseur de la favela Pavao-Pavaozinho, Douglas Rafael da Silva Pereira, 25 ans, a été tué par la police après avoir été confondu avec un trafiquant de drogue. Et tout le quartier s’est soulevé. Ce n’est pas un hasard. Ce n’est pas comme on le dirait stupidement que les Brésiliens ont le sang chaud. Ou rien d’autre à faire la nuit que de s’en prendre à la police qui fait son travail en « pacifiant » héroïquement avec des chars et des hélicoptères des favelas qui ne sont plus décrites par le pouvoir que comme des nids de trafiquants de drogue, des États hors de l’État à nettoyer au Karcher. Les « Unités de Pacification de la Police » installées dans les favelas n’y trompent personne – elles sont essentiellement là pour les nettoyer de leurs milliers d’habitants, préparant de juteuses opérations immobilières. Sous prétexte de la Coupe du monde souvent. Sous le prétexte de la sécurité toujours. La « Guerre à la drogue », comme la « Guerre contre le terrorisme », sont des éléments de langage qui servent à justifier toutes les actions d’un gouvernement. On ne peut pas leur opposer quoi que ce soit sans être immédiatement montré du doigt comme un complice des dealers et des terroristes, voire traité et poursuivi comme tel, puisque des lois ont été votées qui le permettent. La Nuit suit particulièrement ce carnaval tragique qu’est devenu l’organisation de cette coupe du monde de football qui a déjà servi de prétexte à l’éviction de 250.000 pauvres, et à la mise en place d’une répression quotidienne et déchaînée de tous ceux – et ils sont des millions – qui protestent. Nous nous attachons à leur donner directement la parole en passant leurs vidéos, diffusant leurs textes, popularisant leurs campagnes, au lieu de nous en remettre à ce qu’en disent les chaînes de télévision. Ce sera notre manière de faire en général. Un choix de base pour La Nuit.
Vous pourrez trouver de la documentation sur le mouvement “Não Vai Ter Copa” dans le Nº1 de La Nuit hebdo.
Pour bien montrer que ce qui s’est passé cette nuit à Copacabana n’est en rien un événement isolé, nous republions un post et une vidéo que nous avions mis le 15 avril sur notre page Facebook sur l’éviction scandaleusement violente (là aussi, un mort) de milliers de sans abri dans un autre quartier de Rio : « Cette semaine, dans La Nuit, et hier sur cette page, nous parlions – mais très calmement, peut-être trop – de ce que la coupe du monde de football permet de faire au Brésil. Regardez cette vidéo, postée il y a trois jours et sous-titrée en anglais, sur l’éviction d’une violence folle d’un local industriel occupé le 30 mars par 5000 personnes chassées des favelas « pacifiées », pour vous faire une idée de la manière dont tout ça se passe. On voit très peu tout cela tel que. Et puis aux infos, si jamais ça passait, ça donnerait trente secondes de scène d’émeute (qui font toujours peur) et un discours sur la guerre contre les gangs de dealers qui suffit à tout faire passer. Et qui, ici, n’a rien à voir avec l’affaire. »
[Publié le 23 avril 2014 sur La Nuit.]
