Ces dernières semaines, le gouvernement de Néa Dimokratía a intensifié ses efforts pour dompter le mouvement anarchiste grec et écraser les initiatives qui offrent des alternatives à la société carcérale. En particulier, le quartier anarchiste d’Exarcheia, à Athènes, a été une des cibles principales de son agression. Ci-dessous est présentée une chronologie approximative de cette répression, ainsi que des actions de solidarité et de résistance menées par les compas d’Athènes.
En ce moment, les rumeurs disent que l’État veut expulser « tous les squats » d’ici le 17 novembre. Une autre rumeur fixe la date limite au 6 décembre. Toutes deux sont des dates importantes, dans l’histoire du mouvement anarchiste grec, et chaque année est marquée par des émeutes [Note d’Attaque: le 17 novembre 1973 commence, à l’École Polytechnique, la révolte qui mettra un terme à la dictature militaire/fasciste « des colonels » ; le 6 décembre 2008, un flic tue Alexandros Grigoropoulos, à Exarcheia]. Ce n’est pas tout à fait clair ce que signifie « tous les squats ». Ce qui ressort clairement de ces dernières semaines, cependant, c’est que les attaques ont été menées contre des squats tant à l’intérieur qu’à l’extérieur d’Exarcheia, ainsi que dans d’autres villes du pays.
Les expulsions de squats d’habitation de migrant.e.s
Le premier axe de l’attaque étatique contre les espaces occupés a été de cibler les nombreux squats qui offraient des logements alternatifs aux horribles camps pour migrant.e.s gérés par l’État. Il s’agissait d’espaces autogérés, souvent de dimensions considérables, habités par des migrant.e.s, des anarchistes et des anti-autoritaires. Ils étaient en grande partie concentrés dans Exarcheia.
En août, un mois après l’arrivée au pouvoir du nouveau gouvernement, les flics ont expulsé quatre squats à Exarcheia (Spirou Trikoupi 17, Transito, Rosa de Foc et Gare).
Trois autres expulsions ont suivi en septembre (la 5e école, à Exarcheia, le squat Jasmine dans la rue Archarnon toute proche et un autre, près de Jasmine).
Plus récemment, en octobre, ils ont expulsé une autre occupation à Exarcheia, Oniro. Les habitant.e.s ont été embarqué.e.s dans des cars et emmené.e.s dans des camps ; leurs effets personnels ont été jetés. Au total, des centaines de réfugié.e.s ont été chassé.e.s de ces espaces auto-organisés et emmené.e.s dans des camps gérés par l’État et des prisons. Il y a encore quelques squats d’habitation de migrants.e.s qui tiennent bon à Exarcheia, mais ils sont toujours en état d’alerte pour crainte d’une expulsion.
Changements juridiques et politiques
En plus des expulsions, ont été réalisés d’importants changements juridiques et politiques, qui attaquent les rebelles à travers le pays.
Cela comprend :
– l’abolition de la loi sur l’asile universitaire. Depuis le soulèvement de 1973 contre la dictature, cette loi avait en général empêché aux flics d’entrer dans les campus universitaires. Le soulèvement était concentré autour de l’Ecole Polytechnique et a porté, en ce lieu, à un massacre effectué par les forces de l’État. Les espaces occupés ont été une caractéristique traditionnelle de nombreuses universités grecques et une infrastructure clef des mouvements anarchistes et anti-autoritaires du pays. Cette loi avait été très critiquée, ces dernières années, jusqu’à son abolition en août, ce qui devrait permettre à l’État d’expulser beaucoup plus facilement de nombreux squats.
– La réintroduction des flics « Delta », rebaptisés DRASI (« action »). Cette équipe de flics à moto, bien connus et particulièrement vicieux, a été dissoute en 2015, mais elle a été rétablie par le nouveau gouvernement et est maintenant de retour dans la rue.
– De nouvelles lois pour criminaliser davantage la résistance. Par exemple, une peine d’emprisonnement maximale de 10 ans, si on est trouvé.e en possession d’un cocktail Molotov, ainsi que la création de sanctions pour incitation à l’émeute ou à la commission d’actes illégaux, et pour l’introduction dans des bâtiments publics.
Brève chronologie des dernières semaines
Mercredi 30 octobre :
des émeutes éclatent rue Patission, près de l’université ASOEE [Note d’Attaque: la fac d’économie], en solidarité avec l’insurrection au Chili.
Jeudi 31 octobre :
manifestation étudiante contre l’abolition de la loi sur l’asile universitaire et les réformes de l’éducation. Les étudiant.e.s attaquent les flics avec des mâts de drapeaux.
Vendredi 1er novembre :
une manifestation de solidarité avec l’insurrection au Chili commence à l’ambassade du Chili et se termine à Exarcheia.
Samedi 2 novembre :
– expulsion du squat « Vancouver », dans le centre d’Athènes, qui a été occupé pendant les 13 dernières années. Le squat se trouvait das un bâtiment appartenant à l’ASOEE, l’université d’économie et de commerce.
Les flics prennent la décision inhabituelle de procéder à l’expulsion un samedi, lorsque l’université est fermée et que de nombreux.ses étudiant.e.s ne sont pas là pour intervenir. Cette décision intervient également le matin d’une importante manifestation contre les attaques à l’encontre des squats et des migrant.e.s, que Vancouver soutenait publiquement. Pendant l’expulsion, 4 compas sont arrêté.e.s, tandis qu’un des chats est tué par un chien policier. Les trois autres chats qui vivent là sont enterrés vivants, car le bâtiment est sciemment condamné avec les chats piégés à l’intérieur.
Il y a eu des démarches juridiques pour libérer les chats restants, puisqu’un escadron de flics anti-émeute surveille le bâtiment et que toutes les entrées sont murées.
– Le même matin, certains des flics anti-émeute qui stationnent en permanence autour d’Exarcheia tentent de défoncer la porte de Notara, l’un des plus grands et des derniers squats de migrants à Athènes. Ceci fait suite aux menaces et insultes qui ont été proférées par les flics dans les jours précédents, notamment en criant « Raus ! » (référence à « Juden Raus », une expression utilisée par les nazis, qui signifiait « les Juifs dehors »).
– Il y a une manifestation d’environ 1 000 personnes, appelée par l’assemblée ouverte des squats, migrants, internationalistes et solidaires, en solidarité avec les migrants et pour la défense des squats et des espaces auto-organisés. La manif’ sillonne les quartiers des migrants et se caractérise par des banderoles, des tracts, des pochoirs et des chants en plusieurs langues. Après la manifestation, il y a eu des attaques à coup de cocktails Molotov contre la police, à Exarcheia, comme réponse immédiate à l’expulsion du squat Vancouver. La police a réagi avec des gaz lacrymogènes et des flashballs ; deux personnes au hasard sont arrêtées dans le quartier.
– Dans la prison pour migrant.e.s de Petrou Ralli, à Athènes, 16 femmes détenues entament une grève de la faim et de la soif pour leur libération et leur transfert vers les îles.
Lundi 4 novembre :
– une autre manifestation étudiante a lieu dans le centre d’Athènes. Les étudiant.e.s attaquent les flics avec des cocktails Molotovs et la police lance des gaz lacrymogènes.
– Les médias rapportent que des flics anti-émeute ont été attaqués à trois reprises, à des endroits différents, au cours de la journée.
Mardi 5 novembre :
le squat Palmares est expulsé à Larissa, en Grèce centrale. 16 personnes sont arrêtées.
Mercredi 6 novembre :
plusieurs centaines de personnes manifestent en solidarité avec le squat Notara, un important squat de migrants à Exarcheia, qui abrite jusqu’à 100 réfugiés, dont de nombreux enfants, et qui est menacé d’expulsion immédiate. Notara est un grand bâtiment occupé depuis 2015.
Jeudi 7 novembre :
des affrontements avec la police ont lieu à Exarcheia ; ils se terminent avec la destruction de la moto d’un flic et l’envoi de ce dernier à l’hôpital. La police se déchaîne alors sur Exarcheia et assiège les gens dans un café populaire. 16 personnes auraient été arrêtées.
Vendredi 8 novembre :
attaque du squat Libertatia à Thessalonique. Le Libertatia a été pratiquement réduit en cendres après avoir été incendié par les fascistes en 2018. Au moins quatre personnes sont arrêtées.
Samedi 9 novembre :
– la police mène une opération qui aboutit (selon les médias) à des perquisitions dans 13 maisons et à la mise sous accusation de 15 personnes, dont 3 sont incarcérées. La presse écrit qu’il s’agit d’une opération « antiterroriste » liée à des actions qui remontent au passé et que des armes ont été saisies. De nombreuses personnes affirment avoir été suivies, harcelées ou attaquées par la police antiterroriste.
– Des centaines de personnes participent à une manifestation, appelée par l’assemblée No Pasaran dans le centre d’Athènes, pour la défense des squats.
Dimanche 10 novembre :
– des dizaines de personnes manifestent en solidarité avec les grévistes de la faim de la prison pour migrant.e.s de Petrou Ralli, en criant des slogans en différentes langues à l’adresse des détenu.e.s.
– La police attaque l’ASOEE, l’université d’économie et de commerce, et expulse un lieu. Les images de casques, bâtons et bouteilles saisis sont largement diffusées par les médias et utilisées comme prétexte par le conseil académique pour fermer l’université jusqu’au 17 novembre.
Lundi 11 novembre :
– un groupe d’une centaine de personnes de gauche brise le blocus et entre dans l’université. La police entre dans les locaux, attaque les gens, lance du gaz et assiège le groupe d’étudiant.e.s. Une foule de plusieurs centaines de personnes se rassemble sur la route devant, très fréquentée, obligeant la police à la fermer partiellement. La police finit par partir et s’en suit une manif spontanée de plus de 1 000 étudiant.e.s.
– Certaines personnes sont arrêtées pendant le siège de l’ASOEE. Un étudiant qui apparemment se trouvait devant l’ASOEE pendant les affrontements a été arrêté plus tard, devant son domicile, et sa maison a été perquisitionnée.
Mardi 12 novembre :
– la police expulse le squat Bouboulinas à Exarcheia, où vivent des dizaines de réfugié.e.s. Ils/elles sont d’abord emmené.e.s au centre de rétention de Petrou Ralli, devant lequel se tient une manifestation solidaire. La plupart d’entre elles/eux sont ensuite transporté.e.s en car jusqu’au camp pour migrant.e.s d’Amygdaleza, mais beaucoup de squatteur.euse.s refusent de descendre des cars. Certains habitant.e.s de Bouboulinas résistent aux tentatives de division entre migrant.e.s « légaux.les » et « illégaux.les ».
– Lors d’un rassemblement au tribunal, en solidarité avec les personnes arrêtées, les flics ont tiré des gaz lacrymogènes et des flashballs, lors d’une attaque non provoquée.
– Une manifestation en défense des squats et contre la répression de l’État sillonne le quartier résidentiel de Kypseli. La manif’ est appelée par le squat Lelas Karagianni 37, qui est occupé depuis 31 ans.
Il va sans dire que des actes de solidarité internationale seraient les bienvenus.
Les choses se passent très vite. Pour d’autres mises à jour, voir Indymedia-Athènes ou, pour des fréquentes mises à jour en anglais, @exiledarizona sur Twitter.
[Publié le 14 novembre 2019 sur Attaque. Traduction d’un article publié en anglais sur Stateless le mercredi 13 novembre 2019.]