Lyon: Brutalités policières et expulsion du Komifo |
Texte et photos sur https://rebellyon.info/On-va-s-les-faire-Komifo.html
On va sles faire Komifo…
Publié le mercredi 11 novembre 2009.
Le troisième arrondissement de Lyon autour du quartier de la Guillotière fait lobjet dune répression policière qui sest intensifiée depuis un an, date de louverture du commissariat de police place Bahadourian. Au travers de récents événements, nous pouvons constater la volonté de contrôle de la population. Cela se traduit par le fait déviter tout débordement.
Des précédents
Dans la nuit de jeudi à vendredi 6 novembre, un groupe détudiants sest réuni rue Vendôme dans un cadre festif. Suite à des plaintes de voisins, la police arrive et leur demande de se déplacer. Les étudiants se dirigent alors place Guichard. Ils sont suivis par une voiture de la BAC. Les premières discussions avec les policiers se passent de manière sereine. Suite à leur départ une heure plus tard, deux étudiants subissent un contrôle didentité musclé (pris à la gorge, ils sont poussés violemment). Cette scène alerte deux de leurs ami(e)s qui se rapprochent afin de négocier leur départ avec les policiers. Sans sommation, les premiers coups des policiers tombent. Le reste du groupe sattroupe autour des policiers. Les coups se mettent alors à pleuvoir, suivis de gaz lacrymogène. Un des membres du groupe situé en retrait se fait interpeller, frapper au visage et sur le corps à de multiples reprises une fois au sol. Il est sorti samedi après 36 heures de garde à vue. Résultat : un crâne ouvert, un bras cassé et de multiples ecchymoses, soit une soixantaine de jours dITT cumulés et une accusation de violences aggravées sur agents de la force publique. Finalement, les policiers reviennent sur leur plainte et la substituent en une simple rébellion. Les policiers ont reconnus sêtre « blessés » aux phalanges et aux genoux en frappant. Verdict le 8 décembre en Maison de Justice.
Premier récit de lexpulsion du Komifo
Samedi soir, dès 22 heures une boum, en soutien au squat du Komifo contre sa fermeture, était organisée dans les lieux. Vers 2h du matin, un lourd dispositif policier (une cinquantaine de policiers de différents corps, des chiens) se met en place dans le but de mettre fin à la soirée et de vider les lieux. Après linfiltration de 3 agents, les participants réagissent en accourant vers la porte afin de contenir la police. De nombreux tirs de lacrymogène fusent, la pression policière se fait sentir. Une barricade se monte rapidement. Cependant, la police parvient à rentrer à laide de flash-balls. Les participants sortent par derrière entourés dun cordon de CRS nhésitant pas à frapper à laveuglette. Ils les alignent le long dun mur et les laissent repartir direction rue de Créqui. Les différents groupes se font charger et certains sont passés à tabac. Étrangement, aux vues des violences policières, aucune interpellation mais surtout de nombreuses blessures (dents cassées, arcades ouvertes, hématomes…). Et des policiers qui, selon plusieurs témoins, regrettaient de « ne pas avoir pu plus samuser ».
Second récit de lexpulsion du Komifo
Samedi soir, la soirée se passe pour la dernière fois au squat le Komifo, ça part avec un open-mic avec des gens du quartier, des camarades, ceux qui testent de prendre le micro, lambiance est bonne, y a du monde, parce que faut pas oublier que le Komifo a brassé beaucoup de gens, on sy est rencontré, on sy sent bien. Quand la boom est lancée, il est déjà tard, on a de lénergie, on veut faire la fête ensemble, on se connaît pas tous mais on est tous et toutes venus.es avec des potes ou on en retrouve sur place excepté le gars louche qui ressemble à un deck et qui fourre son nez un peu partout (bizarrement les premiers flics en uniforme déboulent 5 min. après son départ). Les corps et les esprits se chauffent et les premiers murs commencent à tomber, le Komifo, destiné à être détruit par la mairie après lexpulsion, va lêtre en partie pendant cette soirée. Cette énergie, si elle en déçoit certains, les scandalisent ou les poussent dans leurs retranchement moralisateurs et méprisants, cette énergie est pourtant contagieuse et bientôt ce sont les toilettes, le toit et les murs qui sont soit mis à terre soit repeints par des phrases anti-flics, un fumi craqué dans le jardin contribue à lambiance ; quelques vitres et bien sûr le bar font les frais de cet élan de joie et de rage ; ils nous expulsent, on va pas non plus leur dérouler le tapis rouge…
Sur ces entre-faits, trois porcs de la nationale débarquent par la porte ouverte, laissée sans surveillance, et se dirigent directement vers le dancefloor où on les invite à regagner la sortie. Cest une escorte dune quinzaine de personnes insultant et crachant sur les flics qui les ramènent à la porte… laquelle était alors fermée. Scène surréaliste, les flics sont coincés entre les portes du Komifo et des gens très énervés qui, décidément, napprécient pas leur présence. Malgré lalcool et la rage ils sen sortent, ils ont eu chaud. Des gens paniquent, ne se sentent pas en sécurité et décident de se faire la malle avant que la maison ne soit bouclée, très vite on entend ceux qui sortent par larrière : « y a la BAC dans la rue ». De toute évidence on se retrouve à plus dune quarantaine à rester, à se dire quon veut être soudés et solidaires face à ce qui se passe. On cherche nos potes dans la confusion, on se tient. Une barricade est improvisée devant la porte à travers laquelle passent mollards et bris de verre jetés sur les decks par ceux qui tiennent lentrée, les porcs se décident à gazer puis à entrer boucliers anti-émeutes aux bras après avoir défoncé la porte en quelques coups de pompes. Des objets sont balancés, pèle-mêle : plot de circulation, barbecue, balançoire… Un tir de flashball retentit, on se regroupe dans le fond du jardin, prêts à entamer une sortie collective, on commence à sortir sur le trottoir pendant que ceux qui assurent les arrières se font défoncer, les chiens sont lâchés. Jusque-là, on nous dit quon va nous laisser partir sans contrôles mais quil va y avoir des arrestations. On se décide à bouger ensemble pour se disperser ensuite, on sen va en gueulant « Flics ! Porcs ! Assassins ! ». Certains groupes sen sortent, dautres se font courser et certains rattraper.
Les flics sont énervés ce soir, ils ne veulent ni arrêter, ni contrôler mais juste mettre des coups, pour le plaisir. Le mot passe on se cale un rencard et une ou deux heures plus tard, on se retrouve dans un appart, au chaud. Contents de se retrouver, de se tenir ensemble. On fait le bilan : pas darrestations (à notre connaissance), de très rares contrôles didentité, de nombreuses blessures, mais surtout, une impression davoir vécu quelque chose de fort à relativement nombreux, un désir de ne pas en rester là.
Alors voilà, la suite au prochain épisode…
Conclusion
Ces deux événements ne sont pas isolés et sinscrivent dans une politique de répression et de gestion policière du quartier populaire et immigré de la Guillotière. Après lopération « quais tranquilles », cela passe notamment par la Mission de Coordination des Actions de Sécurité et de Prévention développée par la mairie du 3ème arrondissement, qui vise notamment à un renforcement des effectifs de police pour assurer « la tranquillité des habitants et la lutte contre le sentiment dinsécurité ». Pour autant, linstallation du plus gros commissariat de Lyon place Bahadourian, le « nettoyage » de la place du Pont, lexpulsion violente du Komifo, sinscrivent plus dans une politique de répression sociale et de gentrification (exclusion des classes populaires du centre-ville) que de sécurisation de ses habitants. En somme, il sagit de lexpulsion programmée de toutes les populations indésirables du quartier de la Guillotière. La hausse de la violence des interpellations conduit à des situations comparables à la répression subie lors de manifestations sauvages. Il paraît urgent de sorganiser afin de combattre le sentiment dimpunité dont jouissent chaque fois plus les forces de police lors de leurs opérations de « sécurisation ».
rebellyon.info